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Tous les présents possibles: Jean -Christian Bourcart, In Memory of The Days to Come, 2011, 80'. Avec La Jetée, Vertigo, la trilogie Matrix.


...Si La Jetée de Chris Marker formule des hypothèses sur le futur et constitue une machines à remonter le temps, à partir d'une troisième guerre mondiale, si Vertigo multiplie les figures de la spirale d'une répétition pure, si les trois films de la trilogie Matrix tentent d'élaborer une définition cinématographique et philosophique du virtuel comme l'ont imaginé à leur tour les auteurs du Matrix: Machine philosophique (12), ainsi que son imagerie, à l'orée du XXIème siècle, In Memory of The Days to Come introduit au régime narratif de tous les présents possibles, le jour d'après. Il constituerait ainsi une Jetée renversée, un Vertigo à l'horizontale, un espace post-Matrix: une proposition narrative pour notre moment contemporain, à la dialectique d'une consistance nouvelle. L'hypothèse d'un réel zombie qui ne peut pas disparaître.
Contemporain du récit qui se déroule de manière inchoative, le spectateur est ainsi placé dans l'impossibilité d'en finir avec ses multiples hypothèses. Le film ne formule pas non plus une quelconque hypothèse sur le temps. L'actuel est le lieu du film, son point cardinal, qui lui donne ainsi sa consistance. A l'image des volumes d'images que constituent ses photographies, le film de Jean -Christian Bourcart construit un espace sédimenté des états provisoires du présent. Les épiphanies de La Jétée introduisaient des trouées dans le récit et déterminaient des courts-circuits temporels. A l'inverse, la conduite du fil narratif de In Memory of The Days to Come s'effectue sous la forme de paris répétés en faveur du retour à la vie, au présent. Les personnages se réincarnent perpétuellement, pris dans un processus de remémoration, qui est ici un long voyage spirituel et médiumnique.
Chaque séquence est agencée comme un battement de vie, entre deux pertes de conscience. Le montage subtil et les matières de l'image contribuent à des effets de déréalisation consécutifs.Le mythe d'Orphée et sa traduction narrative est ici en quelque sorte contourné, même s'il constitue une référence principale du film qui entretient avec la littérature romantique notamment des relations en asymptote.
Si la mort (réelle ou supposée) est l'antithèse de la vie dans Vertigo, si les trois films de la trilogie Matrix mettent en scène des personnages clonés, reflets platoniciens dupliqués, les personnages du film de Jean-Christian Bourcart ne renvoient à aucune autre scène virtuelle. La démultiplication du personnage principal qu'incarne Elodie Bouchez, dans l'une des scène centrales du film qui se situe au bord d'un lac prend la forme d'une pure et étrange duplication en tant que telle, et non de l'évocation d'un double fantomal. L'intrigue introduit un motif étrange para-scientifique qui dote le récit d'une dimension paranoïaque, plaçant le spectateur devant la nécéssité d'avoir à conduire lui-même sa méthode paranoïa -critique, pour l'interprétation du film et sa lecture.
Le réel évoqué dans In Memory of The days to Come est fondamentalement une construction de l'espace: un espace mental plastique et ses métamorphoses. Dans l'image.